Pour preuve, à J-65 du Salon du dessin 2020 (du 26 au 31 mai au Palais Brongniart), la galerie De Bayser propose deux dessins d’Eugène Delacroix : un Portrait de jeune homme au turban et un Paysage marocain. Attardons-nous sur ce dernier, en vente en ligne sur le site de la galerie.
Quelle occasion unique que de pouvoir contempler deux dessins du voyage qu’effectue Eugène Delacroix au Maroc en 1832 ! À la fin de l’année précédente, le gouvernement du roi Louis Philippe, désireux de vérifier la neutralité du Maroc au moment de l’occupation algérienne par la France, décide d’envoyer une délégation conduite par le comte Charles de Mornay. L’objectif : rencontrer le sultan Moulay Abd er-Rahman. Comme lors des expéditions napoléoniennes en Egypte, des scientifiques et des artistes accompagnent les soldats ou les diplomates. Dans cette cohorte variée, le comte a choisi son ami le peintre Eugène Delacroix à la place d’Isabey, qui devait partir initialement.
Saisir l’exotisme sur le vif
Pour Delacroix, c’est l’occasion d’observer tous les moments du voyage, de dessiner tout ce qu’il voit. Il noircit sept carnets de notes qu’il rehausse d’aquarelles le soir ou sur lesquels il écrit les couleurs précises pour être sûr de respecter ses impressions lorsqu’il sera rentré dans son atelier à Paris. Il dessine des paysages, des animaux, des monuments, des vêtements, des armes, des instruments de musique. Tout lui semble exotique et il a besoin de retenir jusqu’aux moindres détails. Parfois, ses feuilles de notes rassemblent des éléments croqués avec fébrilité. Ainsi d’un dessin où voisinent une cour arabe avec colonne et balustrade de bois peint en vert et une tête de jeune femme de dos avec deux nattes, l’une imbriquée dans l’autre sans logique si ce n’est la rapidité d’exécution et le besoin de garder en mémoire des détails pris sur le vif. « Je suis dans ce moment, écrit Delacroix, comme un homme qui rêve et qui voit des choses qu’il craint de voir lui échapper ». Souvenir d’Algésiras ?
Le Paysage marocain semble avoir été saisi alors que Delacroix est en mer, à bord de la frégate-aviso La Perle. L’artiste donne une grande importance à la ligne côtière avec les maisons blanches regroupées au pied de collines vertes et brunes. Pour jouer des contrastes, la montagne à l’arrière-plan est plus sombre de ses arbres mais également de l’ombre de gros nuages qui sont amoncelés en haut de la feuille. Au loin, d’autres reliefs témoignent de la sécheresse de l’arrière-pays par leur blancheur aride. On sent que ce dessin a été terminé rapidement par Delacroix car la mer est vite exécutée. Deux coups de pinceau aquarellé suffisent à évoquer le calme plat de l’eau. « L’absence d’annotation manuscrite ne nous permet pas de situer avec précision le lieu représenté, explique Louis De Bayser, mais la fluidité de traitement du ciel et de la mer, l’utilisation de la réserve de papier pour représenter le village côtier et les tonalités ocres employées correspondent aux aquarelles du début du voyage. Une aquarelle représentant Algésiras, de format, technique et sensibilité très proche, est conservée dans une collection particulière ».
Source : connaissancedesarts